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Enfance 3015

from Mouche by Mouche

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lyrics

Sortant d'un utérus bien trop étroit pour moi,
Je sais que je suis là mais je ne sais pas pourquoi,
J'entends des bruits étranges, des gens qui s'excitent,
J'aurais préféré ne pas franchir la porte "exit"...
J'existe. J'exige qu'on ne me tripote pas ainsi,
Quelqu'un peut-il me dire pourquoi je suis ici?
Evidemment, non, vous ne comprenez rien au son
Que fait ma pauvre bouche de misérable nourrisson...
Bordel de merde, putain, c'est qui, ces gens?
J'suis minuscule et ces connards sont si grands!
Qu'est-ce que j'peux faire à part brailler d'un air vénère?
Qu'est-ce que j'peux faire à part passer mes nerfs
En gueulant comme un taré, complètement désemparé,
En gueulant sans arrêt, eux, ça les fait marrer!
Je ne suis rien d'autre qu'une chose rose et attendrissante,
Une bestiole rampante aux mimiques marrantes,
Je vois se profiler tous les contours du monde,
L'horizon de ma vie, les nouveautés abondent,
J'apprends tous les jours et j'ai comme le sentiment
Qu'y'en a encore pour un paquet de temps...

J'trouve des trucs par terre, je les porte à ma langue,
Les saveurs se mélangent, ces odeurs sont étranges,
Sortant de la bouche des adultes, une odeur d'alcool,
De cigarette, de gomme à mâcher mentholée,
De chou, de chips et de café au lait,
Après, tout s'accélère : maison, crèche et puis école.
Là-bas, ils nous font jouer toute la journée
Devant des écrans sans qu'on ait le droit de tourner
La tête pour regarder vers le dehors,
D'façon, y'a pas d'fenêtre, c'est pas génial comme décor...
Du coup, ils recréent tout ce qu'on ne voit pas
Et en guise de récré, on attend devant des écrans plats.
Là-bas, on apprend à être des enfants,
A dire "s'il te plaît papa" ou bien "merci maman",
C'est bizarre parce qu'on voit jamais nos parents
Sauf le week-end, un peu, de temps en temps,
Ils ont trop de travail, ils ne peuvent pas se permettre
De nous prendre en charge, c'est le travail des maîtres
Electroniques au visage robotique
Qui nous guident chaque jour avec leur discours hypnotique...
On apprend à sourire et à bien se nourrir,
A accepter de voir notre liberté mourir,
A se laisser dompter doucement mais sûrement
Par des employées payées pour être nos mamans...

J'ai du mal à comprendre tout ce que je peux entendre,
Je crois bien que ce monde ne cessera pas de me surprendre...
Souvent, j'ai envie de courir dans les paysages
Qu'on voit sur les écrans, de rentrer dans les images
Mais chaque fois, je me heurte à un mur de plasma
Et l'image se brouille et déforme ce que je vois,
Tout apparaît froid et dénué de réalité,
J'ai tant de pensées étranges et compliquées,
Ma cervelle est parfois sur le point de disjoncter,
Surtout quand on m'ordonne de m'appliquer
A des travaux dont je ne saisis pas le sens,
Multiplications, divisions, soustractions, additions...
Tout ça n'est pour moi que souffrance,
Comme cet écran qui m'éloigne de l'action...
Les années défilent et je demeure immobile,
J'atteins ma dixième année, je n'ai jamais vu la ville,
Elle est, paraît-il, trop dangereuse, trop hostile,
Quant à la campagne, il paraît qu'elle est trop fragile
Pour qu'on puisse la fouler de nos pieds trop chimiques,
On dit qu'elle est peuplée d'animaux rachitiques,
Anciennes bêtes d'élevage redevenues sauvages
Car désormais personne n'entretient plus leurs grillages...

Tout ce que je sais du monde, je l'ai vu sur l'écran,
Je dois encore patienter jusqu'à l'âge de douze ans,
A ce moment, les maîtres me jugeront assez mature
Pour pouvoir me laisser quelques instants dans la nature...
Enfin, ce qu'il en reste car j'ai appris en cours d'Histoire
Que ce que nos aïeux prenaient pour une victoire
Sur leur environnement a causé tant de pertes
Que même les mains les plus expertes de nos ancêtres
N'ont pu freiner ce qu'on appelle le Cataclysme,
Qui a tout de suite engendré guerres et fanatisme.
Nos maîtres nous racontent que pendant cette période tragique,
Les hommes politiques ont perdu tout crédit
Et que pendant cent ans la vie fut anarchique,
Très loin de notre "nouvelle société démocratique"...
Je ne comprends pas tous ces mots, je me contente de les retenir
Pour les recracher ensuite, c'est ce qui leur fait plaisir,
Ainsi, ils me laissent tranquille voyager sur mon fauteuil,
Je clique sur le monde, je regarde les feuilles,
Les arbres, les montagnes filmés par satellite,
Grâce à son oeil de lynx, je vois tout ce que le monde abrite
De bêtes inconnues et de silhouettes qui s'agitent
De temps en temps au coeur des zones interdites,
De vieux sites toxiques construits pendant l'ancien régime,
Une époque lointaine que sans cesse j'imagine...
La laideur industrielle de cette ancienne existence
Me fascine, me séduit, me donne envie d'en savoir plus,
Je découvre des indices par intermittence,
Evitant que les maîtres remarquent mes astuces...
Car je me rends bien compte qu'ils ne me disent pas tout,
J'ai remarqué malgré moi que certains mots sont tabous
Alors je m'efforce de rester sage et bien gentil,
Quand je commets une faute devant eux, je me repentis,
Mimant tellement bien la ferveur que souvent ils oublient,
C'est eux qui me l'ont appris : tu dois connaître ton ennemi.

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from Mouche, released April 17, 2015

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Mouche Lille, France

Le projet « Mouche » est né d'une envie de mettre en mots et en musique les errements de la société post-industrielle ainsi que les bouleversements récents de la vie humaine à travers les profondes mutations technologiques et philosophiques du monde moderne. ... more

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